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Rendez vous 10 h à l’église Sainte cœur à Nîmes,

 

Un shooting photo, attachée dans une église une opportunité à saisir. Me voilà donc devant cette porte austère quittant mes montagnes pour l’occasion.

Je suis accompagnée de mon attacheur du moment, nous attendons un autre couple ainsi qu’un  photographe de talent. Le temps glacial et gris reflètent avec vérité ce lieu oublié, reste des traces manifestes de squatte, les pigeons eux-mêmes ont investi les lieux.

Quelqu’un arrive, la porte s’ouvre, un homme…

Je comprends que c’est l’ami de mon hôte, je le connais de nom, ce monde est  petit au final. Au premier regard  je suis gênée, je souris. Je me présente mais déjà son énergie m’envahit, son regard me transperce,  son sourire me renverse.

Indécence des sens.

Je souhaite le connaitre, pas maintenant, plus tard, un jour peut être.

Fébrile et envoûtée, la venue de sa partenaire et du photographe me sort brutalement de ma rêverie passagère. Lui l’enlace, je comprends à cet instant la nature de leur relation, spectatrice de leur complicité, je dois peut être me résigner.

Formule de politesse, nous sommes là pour le projet photo. Nous traversons un cloître, jardin à l’abandon où la nature a repris ses droits. Je remarque un tronc, une invitation à une attache future, j essaie de me focaliser sur tout autre chose que sa présence. Je plaisante,  je taquine seul camouflage pour rendre les choses plus légères car dans mon corps comme dans mon esprit c’est l’effervescence.

Nous prenons place, il commence son travail d’artiste sur le corps de son modèle, je regarde discrètement. Mon attacheur commence le sien les yeux fermés, j’imagine sa main à chaque glissement de cordes…

Désordre interne, mon prisme intime cherche l’éclat comme ces vitraux condamnés par la grisaille de la pluie. Ce ressenti me gène, moi aussi je veux briller mais que faire dans cette situation même mon cœur s’est assombri.

Que le diable m’emporte de tant d’idées obscènes, positionnée sur une chair à sermon, la belle affaire.

Suis-je cette pécheresse passionnée qui se livre à la luxure ? Ai-je besoin d’être sauvée ?

Je serai prête à me damner ou subir n importe quel châtiment pour un effleurement.

Elle en suspension au dessus de moi, moi en croix déjà condamnée. L’ange dans sa robe blanche virginale, aérienne, danse au dessus de moi, elle, belle, magnifiée dans ses cordes. Ma posture  m’accable.

Je réclame une naissance nouvelle, sauvez mon âme car je me pervertis !

La charge d’émotion me fait vaciller,  la structure dans sa beauté me rappelle à l’ordre.

Je sens chaque détail de ce balcon sculpté de mille Saints.

Le mal s’acharne comme si tous les talismans qui définissent mon identité se retournent également contre moi. Le malaise me gagne, il faut me détacher je ne suis pourtant pas du genre à me laisser dompter par quelques nœuds.

Le froid, l’esprit perturbé, émotive je ne peux tenir. Ses mains en renfort viennent me soulager je sens les cordes se défaire petit à petit, le prolongement de ses doigts comme une caresse miraculeuse. Je cherche à éterniser ce moment car il m’envahit d’un subtil état. J ai chaud, je ressens une agitation interne raffinée. Il vient me libérer  de mes liens, la structure ne résiste à son élan et son œil en subit les conséquences.

Un signe ou une malédiction ? Sommes-nous déjà au jugement dernier sans même avoir goûté au fruit défendu.

Je m’éloigne, m’assois au sol  regardant impuissante la scène se dessiner devant moi. J aimerais tellement que cette église soit le lieu de notre engagement, nous soutienne, qu’elle soit témoin d une renaissance amoureuse. 

 

Un petit break, une collation, un verre de vin rouge, deuxième tableau, les piliers de l’église.

Il propose de me faire le harnais qui  servira à cette suspension. Mon esprit s’affole, nous allons nous rapprocher fatalement. Il place une corde autour de ma poitrine, ma peau me trahit dans un frisson. Aucun regard, je ressens son gêne.

Serait il troublé ou juste professionnel ?

Je ferme les yeux et me laisse enlacer de ses liens, à chacune de ses frictions de cordes, des spasmes en bas du ventre se révèlent. Accrochée à ce poteau telle une païenne sur un bucher je n’arrive pourtant pas à m’en détacher.

Trouble indécent, état cognitif, dois je demander l’admission parfaite dans ce lieu pour espérer vivre un moment avec lui ! Je n’ai plus aucune croyance, l’être est sacré parce qu’il est en vie et qu’il choisit ce qu’il est ou ce qu’il sera …

C’est une évidence, je dois être à lui !

Je ne sais pas si cette simple idée est de l’ordre du blasphème mais je ne peux me résoudre tellement cette envie devient obsessionnelle. Un clic, deux clic,  mon attacheur se rapproche me sort de mon état, mais quelles sont ses motivations ? A-t-il lui aussi un ressenti ?   

J ai envie de crier !

La fin du shooting se profile comme cette fin de journée, tout passe si vite… Le photographe ainsi que la jolie blonde regagnent leur véhicule, le départ est imminent. Il reste pour faire un tableau avec moi, il prend la délicatesse de demander à mon attacheur.Je rêve.

M’aurait on entendu ? J’accepte spontanément sans même me soucier de son approbation.

Couchée sur ce sol froid, une corde se glisse, puis une autre mes cuisses, elles se tendent,  me soulèvent dans un cri étouffé, je perds pieds. Ses doigts me frôlent, me parcourent, je sens son odeur.

 

J’aime son odeur.

Mon corps pourtant filiforme rend au mieux qu’il peut l’ébauche de ses inspirations visiblement réfléchies. Quel sentiment, d’être livrée et liée à lui.

Des frémissements visibles donnent relief à ma peau, à chaque serrage les prémices de ma propre atomisation. Ma boussole interne a cessé de fonctionner pour laisser place aux émotions. Dégradation progressive, je perds contrôle…

Je vole, je m’abandonne.

La pression des cordes se radoucit, mon corps retrouve  le sol en repère, il prend le temps de dénouer chaque lien avec douceur. Les cordes glissent sur ma peau, je sens ses doigts me frôler, parcourir chaque parcelle de mon anatomie réactive. J ouvre les yeux, nos regards se croisent mais ne s’attardent pas.

Toujours ce foutu gêne !

Il me redresse, nous n’aurons aucun rapprochement, nous sommes épiés… Je me relève avec difficulté, mes jambes tremblent, péniblement je me rhabille, je n’ose le regarder et si c’était pourtant la dernière fois, je ne peux l’envisager.

Dans le labyrinthe de cette église, nous regagnons ce cloitre pour nous ramener à nos véhicules. Pensive. La porte se referme, un échange de regard, un sourire complice, le premier.

 Dans cette église, l’esquisse d’une rencontre charnelle et insensée. Je me suis liée à cet homme qui marquera ma vie comme ses traces de cordes  qu’on aimerait voir indélébiles et qui s’effaceront fragiles et éphémères.

L'église

Modèles: Anne So Farfadet  et moi

Cordes: Morphée et Fab Rope

Photo: Michel Planque

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